L'horizon de Tokyo (Photo : Freemann Zhou/Unplash)

Japon. « Chance ou malchance »

Un travail plein d’incertitude et d’échéances urgentes qui menacent sa santé et l’équilibre de sa famille. Il se sent « chez lui » au sein de la nouvelle communauté de CL mais pourtant quelque chose ne tourne pas rond. Un témoignage de Tokyo.

L’été dernier j’ai eu la chance de participer à l’Assemblée internationale à la Thuile et j’ai compris ce qui m’est arrivé ces trois dernières années à travers le regard d’amis de longue date mais qui avait une saveur différente, nouvelle et plus vraie. D’une certaine façon, la période du Covid a été une bénédiction pour notre communauté de Tokyo, à laquelle j’appartiens depuis 2015, surtout pour les relations avec les amis qui m’ont été donnés. Pendant cette période, chacun de nous a été contraint par les circonstances à une introspection différente, plus vraie et plus profonde, en se demandant ce qu’il cherchait vraiment et ce dont il avait besoin. Nous nous sommes reconnus comme une famille, une nouvelle famille faite d’italiens et de japonais, qui portions tous dans notre cœur la même demande que moi malgré le fait que nous provenions d’un contexte culturel et social complètement différent. Être au milieu de personnes qui partagent la même demande provenant d’expériences culturelles et éducatives tellement différentes est déjà un rappel énorme, qui déconcerte.

D’une part ces années ont augmenté ma conscience et ma foi et de l’autre elles ont été difficiles surtout à cause des incertitudes de mon travail. Vivre à l’étranger et travailler pour une entreprise italienne avec des échéances trimestrielles pressantes comporte des incertitudes que la pandémie a évidemment amplifiées. J’ai compris que la foi, telle que je l’imaginais, n’était qu’un concept, une pensée qui n’était pas vécue au quotidien. Ce que nous nous disions à l’Ecole de communauté ne s’appliquait pas à ma vie quotidienne. Je me sentais dédoublé : d’un côté le moi né d’une rencontre nouvelle et de l’autre le moi qui doit réussir tout seul, comme tout le monde, en ne comptant que sur ses propres forces. Je ne faisais pas l’expérience de la foi. Alors j’ai compris que la foi chrétienne ne mûrit vraiment que face aux faits et à travers eux et non pas malgré eux. Il y a une relation solide, bidirectionnelle entre la foi et l’expérience, elles se nourrissent mutuellement ; la foi est un point de départ mais aussi un point d’arrivée qui récrit tout ce qui est arrivé avant. S’il n’en est pas ainsi, si la foi n’est pas vécue dans l’expérience, alors ce n’est qu’un concept philosophique qui fatigue vite.

Je jugeais donc ma vie en la comparant avec mon misérable schéma humain et tout était chance ou malchance, un effort permanent pour orienter les faits vers mon dessein mais pas une occasion de reconnaître le Christ dans ma vie. C’était devenu fatiguant, ma santé était en péril et ma famille sous pression. Alors j’arrive à la Thuile avec une demande précise pour le Christ : qu’Il m’aide à vivre ma vie de telle sorte que tout soit une occasion de Le rencontrer. Non pas une chance ou une malchance ; ne plus vivre en espérant qu’il n’arrivera rien parce que ça serait une tragédie ; ne plus vivre selon mon schéma mais aimer vraiment la réalité en affirmant ce que j’ai sous les yeux, aussi ce que me proposent mes collègues ou ce que je n’avais pas prévu. Et soudain je redeviens patient et en même temps fort et fidèle. Et j’ai découvert deux belles choses : la première est que si tu demandes avec le cœur, le Christ te répond. À la Thuile, lors de chaque repas, lors de chaque rencontre, j’ai connu des personnes qui me parlaient comme si elles connaissaient ma situation depuis des années, qui répondaient aux questions que je me posais à ce moment-là, qui me donnaient des numéros de téléphone de personnes à contacter que je ne connaissais pas mais qui étaient là pour moi. Voilà le don de l’Eglise, une communauté de personnes qui reconnaissent le même destin et nous éduquent à un regard nouveau. Je ne suis pas tout seul mais inséré dans une communauté alors que la société actuelle nous dit que nous devons réussir tout seuls.


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La deuxième, et peut-être la plus belle, est que le Christ ne se refuse pas à celui qui se trompe mais à celui qui ne Le reconnaît pas dans la vie quotidienne. Ce n’est que dans l’expérience chrétienne que l’on peut être aimé ainsi, regardé avec un tel regard et libéré de nos fardeaux. Je peux m’être trompé mais la Christ m’a pris moi aussi, là où j’étais, dans ma petitesse, avec mes erreurs. Il a attendu mon « oui » pour créer son Eglise et maintenant mon cœur explose de joie.

Marco, Tokyo